top of page
Photo du rédacteurJanuelle J.PERSON

Si JUNG m'était conté

Pourquoi Jung est à la mode

Trouver du sens, écouter ses intuitions, se relier à ce qu’il y a de plus irrationnel en nous : ces objectifs si contemporains, à la base du développement personnel, nous les devons à Carl Gustav Jung, ce psychiatre inventeur de la « psychologie analytique ». Découverte d’une pensée trop souvent méconnue.

C’est clair, il faut s’accrocher ! L’oeuvre de Jung est difficile à lire, pleine d’idées déroutantes, plongeant dans la psychologie, la spiritualité, voyageant de l’alchimie à l’astrologie, du bouddhisme à la kabbale, de la Bible aux contes de Grimm. Mais l’enjeu en vaut la peine. Aux antipodes du pessimisme de Freud, pour qui l’être humain est destiné au déchirement intérieur permanent, Jung propose un chemin vers la positivité et l’harmonie, destinations paradisiaques en temps de crise, où nous avons envie de rêver, d’échapper aux dures lois de la raison, de nous dire que le vrai pouvoir est celui de l’esprit. Jung répond parfaitement à ces besoins. D’où l’utilité de le découvrir ou de le redécouvrir aujourd’hui.

Au-delà de la raison

Pour suivre Jung, nous devons abandonner notre bon vieux matérialisme et nous ouvrir à la poésie, à l’imaginaire, à ce qui nous dépasse. Pour lui, en effet, pas de vie réussie sans nourriture spirituelle et bonnes relations avec tous ces mystères qui échappent à la raison. « Corps et esprit ne sont pour moi que des aspects de la réalité psychique, écrit-il. Le corps est aussi métaphysique que l’esprit. » Mieux : « La psyché n’est pas entièrement soumise à l’espace et au temps, déclarait- il en 1959 au journaliste anglais John Freeman. On peut avoir des rêves ou des visions du futur. Seule l’ignorance dénie ces faits. » Pour Jung, l’intuition, cette « fonction non rationnelle de la psyché », est aussi importante que la pensée rationnelle, l’émotion ou la sensation.

« Je » est quatre

Notre réalité intérieure, dans une optique jungienne, s’organise autour de quatre éléments : l’ego, la persona, le soi et l’ombre. L’ego, centre de la conscience, des sensations, des émotions, me permet de me sentir moi à toute heure du jour et de la nuit.

La persona (mot latin signifiant « masque ») est la personnalité sociale que chacun endosse pour s’adapter aux attentes des autres et se faire accepter. Le soi fait de nous une totalité corps-esprit : un être humain. Ce soi jungien n’est pas celui de la psychologie classique : il s’apparente à l’âme, c’est notre « part divine », quel que soit le sens que l’on donne à cet adjectif : « On peut aussi bien l’appeler Dieu que le mystère ultime de la vie, affirme Juliette Allais, thérapeute et analyste de rêves. Impalpable mais omniprésent, il règne sur nos existences. » Enfin, il y a l’ombre, qui « comprend tous les aspects de notre personnalité que nous ne reconnaissons pas comme nôtres, car inacceptables au regard de l’image que nous voudrions avoir de nous-même et donner à autrui ».

Un inconscient peuplé de divinités

Contrairement à Freud, Jung affirme que nous possédons deux inconscients : l’un individuel, où parlent nos névroses et conflits personnels ; et l’autre collectif, qui nous raconte une histoire universelle, peuplée de héros (OEdipe, Icare ou… la Belle au bois dormant) et de symboles communs à toute l’humanité. Dans une optique jungienne, en rêvant d’une pomme, je me retrouve aux côtés d’Adam et Ève, je revis symboliquement le mythe fondateur du paradis terrestre.

Transmis de génération en génération, réalité psychique mais aussi biologique, cellulaire, l’inconscient collectif est le dépositaire de toutes les réactions typiques de l’espèce humaine : la peur, l’intuition d’un danger, l’amour, l’angoisse de la mort. Nous sommes là dans un univers bien différent de la vie intérieure selon Freud, avec ses obsessions érotiques, scatologiques, inavouables. « Il est plus agréable et valorisant de se voir plongé dans un inconscient peuplé de divinités que dans l’univers de fantasmes sexuels jaillis du cerveau reptilien », remarque Jean-Jacques Antier, auteur d’une excellente biographie de Jung. En tout cas, en ces temps de désenchantement, cela fait du bien.

De l’ego au grand soi

Selon Jung, le but d’une vie est de passer de l’ego, notre petite personne, au grand soi grâce au « processus d’individuation ». Il s’agit d’un cheminement intérieur par lequel nous allons tenter de devenir le plus conscient possible, afin de nous « autoengendrer » en tant qu’individu particulier, homme parmi les hommes, mais unique. Une seconde naissance, en quelque sorte.

Pour Jung, l’enjeu est d’importance. Car « devenir conscient de son soi, c’est permettre à l’univers de devenir conscient de lui-même ». « En général, l’individuation devient possible après la crise de la cinquantaine, dans la deuxième moitié de la vie, la première étant accaparé par l’ego suractif. » Pour y parvenir, nous devons nous confronter avec notre ombre (cette part dont nous avons honte), avec notre persona (notre image sociale), avec notre anima et notre animus. Nous devons cesser de nous mentir et de rejeter ce qui nous dérange en nous.

Nous ne réussirons jamais totalement, bien sûr, l’essentiel est d’essayer. Plus qu’un grand ménage, c’est un effort d’intégration et d’assimilation des différents aspects de notre personnalité que nous devons entreprendre. Mais, prévient Jung, nous ne sommes pas des anges : « Une vie sous le signe de l’harmonie totale », sans aspérités, serait « très ennuyeuse et déprimante ». Pire, « inhumaine ». Ce trajet initiatique peut passer par un travail sur soi, l’analyse des rêves, la méditation, la prière, la contemplation, l’écriture…

Cette démarche est mystique, idéaliste, naïve même, mais la rationalité pure et dure rend-elle plus heureux ? Fournit-elle des réponses à nos questions existentielles : comment être plus heureux, surmonter la souffrance, aimer, être aimé, faire face à la maladie, le deuil, la mort ? En 1946, à un vieil ami qui lui demandait quelle attitude adopter pour achever son existence dignement, Jung répondit : « Vivre sa vie. »

Vivre, c’est tout.

Comment Jung devint Jung

En 1900, le jeune psychiatre Carl Gustav Jung (26 juillet 1875 - 6 juin 1961) entre au Bürgholzli, hôpital psychiatrique de Zurich, en Suisse. Six ans plus tard, il se passionne pour les idées de Freud, avec qui il entretiendra une correspondance comptant trois cent quatre-vingts lettres. Jung s’efforce de vérifier les intuitions théoriques du maître, en qui il voit un père – dix-neuf ans les séparent. En 1908, Freud propose de faire de Jung son héritier, son « dauphin ».

L’idylle se termine en 1911, car Jung s’éloigne de son interprétation des rêves (le rêve comme réalisation d’un désir sexuel inconscient) pour se plonger dans les mythes, l’histoire des civilisations, la spiritualité. Pour lui, la sexualité n’est pas le moteur de la vie psychique. En 1914, c’est la brouille définitive, Jung quittera la présidence de l’Association psychanalytique internationale, où Freud l’avait installé. Il deviendra l’inventeur de la « psychologie analytique ». Toutefois, la psychanalyse freudienne lui doit son principe de base : l’idée que tout psychanalyste doit en passer par une longue analyse personnelle pour pouvoir exercer.


留言


bottom of page